Genevieve Guilhaume

LES BONNES FEUILLES     3

PAROLES DE MANAGERS   suite

Souffrance ou résistance ? L’engouement des managers pour le coaching est avéré. L’enquête montre une résistance limitée des responsables, et donc une servitude volontaire qui n’est pas toujours facile à vivre.
Jean-Marc Delm, responsable d’un service de recherche (groupe industrie Aéronautique et Défense) parle du plaisir éprouvé lors de la rencontre avec le coach, au-delà de l’angoisse d’un éventuel jugement : Même si je vous ai dit tout à l’heure que j’étais angoissé à l’idée de devoir expliquer ce que je voulais, ce genre de choses qui n’étaient pas faciles à faire, mais de par la façon dont ça a été mené ça a été très positif, et bon quand j’étais en contact avec le coach c’était pas désagréable du tout, il savait les choses, il les savait avant de les demander, y’a plein de choses qu’il ne demandait pas d’ailleurs, il les comprenait sans même les demander donc c’était très agréable.
La servitude volontaire passe par une intériorisation de l’ambivalence des comportements, dans le coaching. M. Kell, directeur d’un établissement de vente de véhicules, pièces de rechange et de réparation (groupe Automobile) explique : C'est-à-dire que le coaching

L'ère du coaching
Critique d'une violence euphémisée      
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ere du coaching 1ere de couv.

 

permet de prendre conscience des … Je dirais, des inconvénients que telle ou telle attitude peut avoir.
Et c’est clair que tout comportement est ambivalent. Quand je dis que j'ai le goût du rapport de force, il faut évidemment veiller - quand on est dans une organisation, quand on a des collaborateurs à manager, à animer - il faut aussi veiller à ce que cette tendance-là ne débouche pas sur un management brutal.
Donc, encore une fois, le coaching, c'est comment utiliser son tempérament et sa personnalité propre sans jamais faire que cette personnalité propre devienne un handicap. D'une certaine façon, c'est faire l'expérience un peu des limites, savoir jusqu'où on peut aller, jusqu'où sa propre personnalité est un atout mais sans aller au-delà. Et je crois que le coaching que j'ai engagé m'aide beaucoup par rapport à ça.

Jean Val, responsable d’une équipe de commerciaux grands comptes (filiale bancaire, groupe Automobile) accepte la confusion des sphères privée et professionnelle, même si cela pose question : Si on accepte l’idée que le coaching est positif dans son effet de miroir, c’est vrai que cela touche à ce qu’est l’individu au fond. Mais un manager est complet : sa sphère privée, intellectuelle, n’est pas séparée de sa sphère professionnelle. Un manager doit donc se préoccuper de la sphère personnelle de l’individu. Quand il parle à l’individu lui-même, son subordonné

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par exemple, il est bien obligé de parler en individu lui-même. Le coaching, à un moment ou à un autre, est à la frontière du privé, mais c’est normal. Le management, c’est cela, on ne peut pas séparer. On peut séparer l’organisation, pas l’individu. Les jeux sont différents, les terrains sont différents, mais c’est le même gars qui joue. Mais il est quand même normal qu’on se pose la question, qu’on se demande jusqu’où cela va aller… C’est vrai qu’avec les nouveaux outils, le portable, Internet, on peut joindre les gens partout, à n’importe quelle heure. Ce sont de nouvelles façons de travailler. Mais l’individu doit être vigilant sur ses sphères, ne pas faire de confusion. Il doit être très déterminé et très clair sur la répartition des rôles qu’il a à jouer. Autrefois, les frontières étaient visibles et extérieures et aujourd’hui elles deviennent plus intérieures. Oui, avant les territoires étaient simples. Maintenant il y a des nouvelles règles à mettre en place. Il faut s’organiser. Mais ce n’est pas parce qu’on peut s’organiser qu’il faut se consumer. Et c’est vrai qu’une entreprise, elle se nourrit de gens qui se consument.
Cette servitude volontaire contribue à de nouvelles formes de domination dans l’entreprise, plus subtiles, internalisées dans la psyché individuelle s’exerçant par une communication paradoxale et euphémisée, sans contre-pouvoir institué.

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